L’événement a attiré plus d'une centaine de personnes : une longue file de lecteurs sont venus faire dédicacer leur exemplaire avant d’assister à un entretien animé par Marie Gaudefroy, directrice de la librairie depuis cinq ans. Entre faits scientifiques tirés de ses expériences, éthique et curiosité historique, Philippe Boxho (médecin légiste et professeur d'Université en criminologie) a offert au public une rencontre passionnante, que nous vous proposons de découvrir ici :

Une vie au contact de la mort
Dans le premier récit de son livre, intitulé "Un si beau meurtre", Philippe explique qu’une autopsie débute toujours par l’examen de la face postérieure du corps. Selon lui, « on commence par le dos, parce que c’est la partie la plus ennuyeuse et celle où l’on a le moins de chances de trouver quelque chose ». Il ajoute d’ailleurs qu’aujourd’hui, les salles d’autopsie sont intégrées aux hôpitaux, tandis que dans le passé, celles-ci pouvaient se trouver directement dans les pompes funèbres, voire dans une salle aménagée à cet effet dans les cimetières.
Un texte qui mêle faits et curiosité historique
Dans ce nouveau livre, Boxho s’éloigne parfois du strict domaine médico-légal pour explorer l’histoire avec un grand H : il évoque par exemple la guillotine, la mort du Christ ou encore le suaire de Turin (un drap mortuaire en lin portant la trace du corps d'un homme ainsi que des blessures de crucifixion, et dont on présume qu'il appartenait à Jésus), sujet qui le passionne car, dit-il, « il n’y a pas de solution ». Il raconte aussi avoir découvert dans le plafond de la chapelle Sixtine une forme de cerveau, « et j’ai voulu le raconter ». Lors de ce rendez-vous mené par la directrice de la librairie, il explique avoir voulu intégrer des histoires différentes, parce qu’il estimait important de s’ouvrir à autre chose que la seule médecine légale « et montrer que la médecine légale c’est aussi comprendre d’autres histoires, comme par exemple la guillotine, ou encore la mort du Christ », autour duquel il existe beaucoup de mystères.
La frontière entre science et éthique
Dans ce milieu, les limites entre science et éthique sont parfois floues : se pose alors la question de savoir jusqu’où aller dans la science et la recherche ! À cette question, l’auteur répond qu’il existe une triple ligne de conduite : la loi, applicable à tous ; la déontologie, propre à sa profession ; et enfin l’éthique, « où chacun a la sienne ». Ainsi, certaines expériences qu’il aurait voulu mener à des fins scientifiques lui ont été interdites sur le plan moral : « La loi ne l’interdisait pas, mais l’éthique, oui. » : à des fins de recherche, il aurait voulu (comme il existe aux États-Unis) enterrer des corps donnés à la science dans différents environnements pour observer leur décomposition, ou encore incinérer un corps pour vérifier une hypothèse médico-légale.
Avec plus de trente ans de carrière, Philippe Boxho se porte comme le témoin et le conteur des histoires qu'il raconte dans ses livres : « Toute histoire n’est pas audible, même celles de Cour d’assises, donc je suis obligé de romancer », explique-t-il. Ses récits s’inspirent de cas réels, mais les noms sont changés, et les détails transformés : « Je raconte des morceaux de vie, des morceaux de vie de mes vrais amis. Je raconte une histoire pour qu’elle soit digérable pour celui qui la lit, mais toujours avec un fond médico-légal vrai. »
Il confie par ailleurs que son premier livre devait être unique : « Je pensais n’en faire qu’un seul, j’y ai mis toutes les histoires que je racontais à mes étudiants. » Cependant, le succès l’a rattrapé, et ses trois livres suivants s’appuient davantage sur des récits inspirés de faits médico-légaux réels, mais avec des « histoires [qui] doivent être transformées ». Pour ce quatrième ouvrage, il confie : « Je me suis baladé dans les villes de mon pays, des villes où j’ai l’habitude d’aller pour des cas médicaux-légaux, et je me suis rappelé des anecdotes. »
L’autopsie virtuelle et l’intelligence artificielle
Interrogé par Marie Gaudefroy sur l’impact de l’intelligence artificielle dans sa discipline, Philippe Boxho raconte avoir directement consulté ChatGPT pour en avoir la réponse : « Il m’a fait toute une liste de choses qu’il ne pouvait pas faire », plaisante-t-il. Pourtant, il reconnaît que l’IA a déjà trouvé sa place, notamment dans la vitopsie : « c’est pour autopsie virtuelle, ça veut dire qu’on n’ouvre pas le corps, on passe dans un scanner et on fait ce qu’on appelle total body scan, c’est-à-dire qu’on fait un scanner total du corps. Avec cette technique, on voit des trucs qu’on ne voit pas à l’autopsie. »

Un dernier tour de piste avant la pause
Entre les anecdotes les plus ahurissantes — comme celles du Darwin Award, qui récompensent des personnes décédées ou rendues stériles à la suite d’actes d’une stupidité exceptionnelle — et les réflexions autour de la mort et l’histoire, Philippe Boxho a captivé le public par son ton à la fois direct et bienveillant. Mais il avoue aussi une certaine fatigue : « Ce qui m’arrive là est vraiment très spécial, et je commence à fatiguer par rapport à ça. En 2026, je vais arrêter ce tourbillon médiatique, parce que j’aimerais reposer mes deux pieds sur terre, revivre ma vie d’avant et faire une pause », pour un an vient-il préciser.
Avant cela, les lecteurs pourront bientôt le retrouver sous une autre forme : une bande dessinée adaptée de ses récits, et en 2027, la publication très certaine d'un nouveau livre !
Pour acheter le nouveau livre de Philippe Boxho, rendez-vous ici !
Elise Thomas et Léandre Leber
Crédit photo : Elise Thomas — Oyez-Oyez