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La waide, l’or bleu d’Amiens !

Le 10/10/2025

La waide est une plante tinctoriale réputée pour le bleu singulier qu’elle produit. La structure Bleu d’Amiens reproduit cet art. Nous vous proposons d’en découvrir les différentes étapes de production, en suivant le savoir-faire d’Hélène Brunel, artisane passionnée qui, aux côtés de son mari David, de Thierry et Jean François, contribue chaque jour à perpétuer les traditions et l’histoire locale. De la méthode d’extraction, de traitement, aux multiples immersions nécessaires pour obtenir le « bleu waide », tout un art se révèle…

La waide — de son nom latin Isatis tinctoria, également appelée guède ou pastel selon les régions — est une plante tinctoriale dont les feuilles sont utilisées afin de produire un bleu particulier qui n’appartient qu’à elle.
Cette ressource végétale a fait la prospérité de plusieurs régions, notamment de la Picardie au Moyen Âge. À partir du XIIᵉ siècle, la culture et le commerce de la waide ont considérablement enrichi la ville d’Amiens. La fortune tirée de cette activité a été si grande qu’elle contribua grandement au financement de la cathédrale d’Amiens.
Nous avons parcouru l’ensemble de la chaîne de fabrication de cette teinture naturelle : depuis la récolte des feuilles de la plante jusqu’à la coloration finale des tissus.

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Par Amédée Masclef — Atlas des plantes de France. 1891, Domaine public

La Waide 11 - La culture de la waide

Sur un espace entre trois et cinq hectares de terre, la plante se cultive au printemps, entre mai et juin. Les conditions climatiques influencent directement la qualité du pigment : un temps maussade ralentit la production, tandis qu’un stress hydrique modifie la composition des feuilles. La nature impose donc son rythme.

 

La waide 22 - La récolte des feuilles

Lorsque la plante est prête, les feuilles sont cueillies puis préparées pour le traitement et la transformation. C’est la matière première indispensable à l’extraction du bleu. La récolte des feuilles et leur traitement immédiat sont importants : la rapidité évitera toute altération du pigment

 

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3 - La première immersion

Les feuilles sont placées par Quentin (qui s’occupe de la transformation et du traitement) dans une grande cuve d’eau chauffée. Le mélange, composé à peu près à parts égales de feuilles et d’eau, est maintenu au moins 1 h afin d’en extraire les molécules colorantes.

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4 - La récupération du bain

L’eau colorée est ensuite transférée dans une autre cuve. À ce stade, il faut contrôler le pH et favoriser l’apport en oxygène pour déclencher les réactions chimiques nécessaires.

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5 - L’ajout de chaux

On incorpore ensuite environ 1 kg de chaux à l’eau récupérée. Cette étape permet la précipitation des pigments, qui vont se concentrer dans le fond de la cuve.

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6 - La décantation

S'ensuit la récupération des pigments, qui seront mis dans une autre cuve pendant environ 1 h, afin que l’eau surnageante soit retirée (cette étape s’appelle la décantation). Il ne reste qu’une pâte pigmentaire d’un bleu très profond, que l’on recueille soigneusement.

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7- Le tamisage et l’essorage

Cette pâte est placée dans un tissu filtrant afin d’éliminer l’excès d’eau. On l’étale ensuite pour la sécher et réduire au maximum son humidité.

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8 - Le broyage

Une fois bien sèche, la matière est broyée finement afin d’obtenir une poudre bleue pure, base du pigment qui sera utilisée pour la teinture.

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9 - La préparation de la cuve de teinture

Ces différentes étapes de traitement passées, la suite se fait dans l’atelier d’Hélène. La poudre, naturellement hydrophobe, est transformée de nouveau en pâte grâce à un peu d’eau chaude, de sucre et un nouvel ajout de chaux. Cette préparation crée un environnement chimique (avec un pH adapté et une température douce) où la teinture peut s’opérer.

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10 - La teinture des textiles

Contrairement à d’autres pigments, le bleu de la waide ne nécessite pas de mordant (ce qui fait le pont chimique entre le tissu et la couleur et qui va permettre d’y rester fixé). Le tissu est plongé lentement dans la cuve de teinture, puis retiré avec précaution, afin d’éviter les éventuelles irrégularités. La cuve contient une sorte de mousse en surface, qui ne teinte pas et sera utilisée ultérieurement pour d’autres usages, comme un projet de peinture. Au contact de l’air, le pigment s’oxyde et révèle progressivement le bleu. Pour intensifier la couleur, l’opération est répétée plusieurs fois par Hélène, alternant immersion et contact avec l'oxygène.

À partir de la waide, Hélène Brunel, accompagnée de son équipe, extrait ce pigment rare qui lui permet de créer son bleu si particulier : le bleu d’Amiens. Sur son site, elle propose des articles teintés à la main ainsi qu’un atelier découverte pour s’initier à la teinture végétale. Lorsqu’elle ne travaille pas dans son atelier ou n’anime pas de cours, elle fait voyager sa couleur lors de fêtes médiévales et d’autres événements !

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