Alfred Manessier : La baie de Somme comme horizon artistique

Le 22/10/2025

À la lecture du beau-livre Manessier, Le Crotoy et la baie de Somme publié aux éditions Engelaere, nous avons décidé de vous évoquer ce peintre samarien majeur de l’art contemporain français, qui a su conjuguer, tout au long de son oeuvre, une inspiration spirituelle avec une sensibilité nourrie par les paysages de son enfance : la baie de Somme. 

Les origines d’une vocation née face à la baie de Somme

Né à Saint-Ouen, dans la Somme, et fils de commerçants, Alfred Manessier grandit dans cet environnement picard. À l’âge de douze ans, c’est devant la baie de Somme qu’il prend conscience de sa vocation artistique. Ce paysage mouvant aux lumières changeantes, devient pour lui une référence majeure : il le décrit plus tard comme « Le seul paysage qui a eu sur moi une influence primordiale et que je retrouve partout [...] est celui de la Baie de Somme … Natif d’Abbeville, enfant, j’y ai passé mes premières vacances. Mes yeux s’y sont pour ainsi dire ouverts, et j’y retourne sans cesse... » (1980)

Des racines à l’international

À l’issue de sa formation à l’École des Beaux-Arts d’Amiens, où il peint les paysages de sa campagne natale, il est reçu en 1929 à l’École des Beaux-Arts de Paris, section architecture. Bien qu’inscrit dans cette discipline, il s’oriente rapidement vers la peinture. Ses copies de maîtres au Louvre (Rembrandt, Titien, Rubens, Tintoret) et sa découverte de Picasso l’amènent à explorer le cubisme et le surréalisme dans ses premiers travaux.
Dans les années 1930, ses œuvres exposées aux Salons témoignent de sa double influence en termes de domaine artistique. En 1935, il réalise Les Dieux marins, aujourd’hui conservé au musée des Beaux-Arts de Nancy, qui marque une étape importante dans son parcours.

Installé à Paris à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Manessier s’entoure d’autres peintres non figuratifs comme Gustave Singier. En 1941, il participe à l’exposition Vingt jeunes peintres de tradition française à la galerie Braun, moment fondateur pour la peinture d’après-guerre.
À partir de 1943, collectionneurs et institutions s’intéressent à son travail : l’État acquiert en 1944 sa toile Combat de coqs, attribuée au musée national d’art moderne. Il participe aussi à la création du Salon de Mai en 1945, confirmant sa place dans le milieu artistique.

Alfred manessier les hortillons au printemps 1979 imagelarge

Les Hortillons au printemps, 1979, 162 x 162 cm, huile sur toile, Musée de Picardie, Amiens

Peinture et art sacré

À partir de la fin des années 1940, Manessier élargit son champ artistique vers les arts décoratifs. Il réalise des tapisseries et surtout des vitraux, domaine où il contribue au renouveau de l’art sacré en France et en Europe. Ses vitraux, installés à Saint-Dié, Chartres, Cologne, Fribourg, et à Abbeville dans sa région natale, témoignent de son intérêt pour la lumière comme matière artistique.
Son œuvre picturale se nourrit parallèlement de thèmes religieux et de paysages, parmi lesquels la baie de Somme conserve une place centrale. 

Malgré la reconnaissance internationale, la Somme et plus particulièrement la baie demeurent un fil conducteur dans l’ensemble de son travail. Cet attachement est aujourd’hui rappelé au Crotoy, où un belvédère porte son nom. Une table d’orientation y évoque son œuvre et propose aux visiteurs une vue sur la baie, ce paysage qui a marqué sa formation artistique et nourrit sa peinture. 

Sur le livre

Cet ouvrage réunit une sélection d’environ quatre-vingts études peintes. L’ensemble est organisé selon un parcours pictural conçu par la fille du peintre et accompagné d’un commentaire de Sabine Cazenave, conservateur en chef du Musée de Picardie. Christine Manessier y retrace également l’enfance et l’adolescence de son père, ainsi que ses premiers éveils artistiques, à travers des chroniques illustrées de documents familiaux. Enfin, un entretien accordé par le peintre à Gilles Plazy en 1986 pour France Culture vient éclairer cette période de sa vie.

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Elise Thomas 
Crédit photo : Manessier, Le Crotoy et la baie de Somme, Christine Manessier, Éditions Engelaere, 2013.

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